L'abbé Jean-Marie Duchemin (1908-1988)(abdulmajid)
Ancien prêtre français
L'abbé Jean-Marie Duchemin (1908-1988) était une figure connue
du catholicisme sarthois. Son action considérable, menée inlassablement
pendant 25 ans, en faveur des plus défavorisés, l'avait fait connaître
dans tout l'Ouest de la France. L'aide conséquente qu'il a apportée aux
travailleurs immigrés maghrébins et africains l'a conduit à s'intéresser
de près à leur vie religieuse et à en approfondir la connaissance.
Après des années de méditation et d'étude comparée du christianisme et
de l'islam, il décida de devenir musulman. Peu de temps avant sa
décision de rendre publique sa conversion à l'islam - qui n'était connue
que d'une poignée de confidents - , il consigna par écrit les raisons
qui le conduisirent à effectuer ce choix dans un texte écrit à la
troisième personne.
Ce texte autobiographique, emprunt de modestie et de
simplicité de style, et écrit à la troisième personne, qui doit dater de
1983.
Le père Abdelmagid Jean-Marie Duchemin est mort le 6
septembre 1988 à Casablanca où il s'était installé à l'automne
précédent. Il est enterré au cimetière de Sidi Othman, quartier des
anciennes carrières, dans la banlieue de la capitale économique du
Maroc. |
Texte autobiographique du père Abdelmajid Jean-Marie DUCHEMIN
Né en 1908 d'une famille profondément catholique, croyante et
foncièrement pratiquante, à 10 ans il était mieux instruit et convaincu
des dogmes, de la morale et des prescriptions liturgiques que beaucoup
de chrétiens adultes. Pour lui, vivre et croire ne faisait qu'un. Tout
enfant, il avait ressenti un irrésistible appel au sacerdoce et plus
tard il ne pensa jamais qu'autre pouvait être sa voie ; même si des
professions ou des activités culturelles prirent charmes et attraits à
ses yeux. Selon la théologie de l'époque, selon l'enseignement religieux
reçu dans la famille, à l'école chrétienne qu'il fréquentait et dans
les prédications de l'Église dont l'écoute était pour lui pleine de
charmes, malgré son jeune âge, il était convaincu que "hors de l'Église,
point de salut".
Mahométans
Il n'avait que très rarement entendu parlé du "mahométisme" - que
l'on plaçait au même rang que le paganisme et le fétichisme -, et
toujours de façon désavantageuse et méprisante. Or, vers sa dixième ou
onzième année, pendant une explication, faite par la maîtresse de sa
classe, de la leçon "La religion catholique est la seule vraie religion
de Jésus Christ, capable d'apporter le salut", l'institutrice pour
étayer son propos en vint à parler des autres religions. Elle condamnait
allègrement à l'enfer tous les tenants des autres religions chrétiennes
: protestants et orthodoxes, ne réservant le ciel qu'aux seuls
catholiques Romains.
Quant aux religions non chrétiennes, elle était pleine de mépris pour
leurs adeptes : les infâmes juifs qui avaient mis à mort le bon Jésus;
les hindouistes, pauvres ignorants adorateurs de multiples dieux
monstrueux ; les "mahométans" - des fanatiques trompés par le suppôt de
Satan qu'était le débauché Mahomet -, avaient massacré des chrétiens, et
les glorieux Croisés n'avaient malheureusement pu tous les exterminer
alors que les courageux missionnaires s'efforçaient encore de les
évangéliser au prix de douloureux sacrifices et même au péril de leur
vie.
Cette brave institutrice, dans l'intention de se moquer, parla du
fanatisme de ces mahométans, capables de mourir en combattant pour
propager leur religion; de s'astreindre à des purifications pour
s'approcher de la prière, faite sur un ridicule petit tapis; de se
soumettre à un jeûne rigoureux toute la journée et de se goinfrer de
nourriture toute la nuit, et cela pendant un mois; de se priver de porc
et de vin alors qu'il est bien connu que c'est Dieu qui a créé tout cela
pour le bien des hommes...! Cette explication finit par provoquer une
réaction inattendue chez le jeune auditeur : il eut pitié de ces pauvres
mahométans qui, songeait-il, bien que dans l'erreur, accomplissaient à
cause de leur foi, des actes de générosité et de courage que bien des
chrétiens ne voudraient pas s'imposer.
À partir de là, il conçut tout à la fois une grande pitié et une
grande sympathie pour les musulmans. Il espérait, le jour où il
deviendrait prêtre, aller les évangéliser et leur apporter ainsi le
salut que leur foi méritait. Durant son enfance et sa prime jeunesse, il
priait pour les infidèles et, spécialement, pour les musulmans; lisait
toutes les publications missionnaires qu'il pouvait se procurer; et
versait sur son petit pécule, aux œuvres missionnaires.
Vers seize ans, il prit conseil, désirant se préparer à entrer dans
l'ordre des Capucins, afin d'aller en mission en pays musulman. Sa
santé, plus que précaire depuis sa naissance, détermina son
interlocuteur à lui conseiller d'attendre et remettre à plus tard, quand
son état physique le lui permettrait, la réalisation de son rêve.
Opinion personnelle
À vingt ans, il entra au séminaire pour se préparer à la prêtrise.
Là, il fut à même de consulter quelques ouvrages traitant des religions
et, précisément, de l'islam. Malgré le caractère tendancieux et plus ou
moins sectaire des publications catholiques de cette époque, il parvint à
se constituer une opinion personnelle sur Mahomet et sur l'islam. Pour
lui, Mahomet était sincère et "craignant Dieu"; les musulmans étaient
respectables et, bien souvent, à admirer pour la fermeté de leurs
convictions religieuses. Pour lui, l'islam était une religion sérieuse
qui, sans posséder toute la vérité, en détenait suffisamment pour
conduire ses adeptes au salut. Selon le vocabulaire de l'époque, les
musulmans, tout en étant hors du "corps" de l'Église, faisaient partie
de l'âme de l'Église et, par là, pouvaient être sauvés.
Modèle foucaldien
Reçu prêtre en 1933, il fut nommé vicaire. Depuis déjà plusieurs
années, il avait eu connaissance de la vie et de la personnalité du Père
Charles de Foucauld. Ce prêtre, qui s'était retiré au Maghreb pour y
vivre en solitaire et y prier pour les musulmans, l'avait enthousiasmé.
Il projeta d'entrer dans la congrégation des "Petits Frères du
Sacré-Cœur", fondée par des prêtres ayant adopté la règle composée par
Charles de Foucauld et qui, eux aussi, partaient vivre au Maghreb pour y
prier au milieu des musulmans.
Vers 1937, il fit une retraite chez les Trappistes pour prendre
conseil et savoir s'il pouvait s'engager dans cette congrégation. Une
fois encore la réponse fut décevante : "Vous faites du bien là où vous
êtes et votre santé ne vous permet pas d'envisager une entrée dans cette
congrégation dont la règle et le mode de vie ne sont pas compatibles
avec votre état". Quelque dix ans plus tard, alors qu'il était curé
d'une paroisse rurale - l'ère de l'œcuménisme étant arrivée -, il
trouva, éditée par un groupe œcuménique, une image au dos de laquelle
était imprimé, en français, le texte de la
Fatiha . C'est alors qu'il prit l'habitude de réciter cette
fatiha chaque jour après ses prières chrétiennes.
En 1957, n'espérant plus pouvoir réaliser un voyage en pays musulman,
il profita d'une excursion dans la capitale pour visiter la Mosquée de
Paris afin de prier silencieusement là où les musulmans se rassemblaient
pour la prière commune. Pendant que les touristes, auxquels il s'était
joint, écoutaient les explications du guide, il pria silencieusement de
toute son âme, en communion avec les musulmans du monde. Et à la sortie,
sous le cloître de la Mosquée, il acheta une traduction du Coran (celle
d'Édouard Montet
1 ).
En trois nuits, il lut tout le Coran. Malgré la difficulté qu'éprouve
tout occidental devant la composition de ce texte qui déroute et ne
ressemble en rien à la présentation que l'on trouve dans la Bible ou les
Évangiles, il fut favorablement impressionné par ce Coran, tout
débordant de la transcendance de Dieu et de sa miséricorde. Il y trouva,
aussi bien que dans les écrits chrétiens, la réponse à toutes les
grandes questions que se pose tout esprit réfléchi sur la destinée
humaine.
Action sociale... et spirituelle
N'étant pas à même, dans sa campagne, de rencontrer des musulmans ni
même des personnes connaissant bien l'islam, il se contenta de lire une
ou plusieurs fois par an le Saint Coran, soit en entier, soit par
sourates détachées. Trois ans, plus tard, vaincu par la maladie il se
retira en ville. Et par suite de circonstances imprévues, il fut conduit
à l'action sociale auprès des prolétaires et des plus pauvres. Parmi
eux se trouvaient des musulmans. Quand il accueillait des Maghrébins ou
des Africains, il ne les réduisait pas à des "travailleurs migrants"
mais leur parlait de l'islam, donnait des conseils selon les versets du
Coran. Très vite, en parlant avec eux, il obtint la confiance des
musulmans et se rendit compte que ces croyants, isolés et exposés aux
tentations du milieu français, manquaient d'un indispensable lieu de
culte : une mosquée. Il sollicita l'évêché qui, au bout de quelques
mois, mit à sa disposition des salles dont on put faire une mosquée.
Certes, tout cela n'alla pas sans déboires ni déception! Il reçut
même des contre-témoignages aussi bien de la part d'autorités islamiques
ou de prétendus imams que de simples musulmans de base. Il n'en perdit
pas pour autant son respect pour l'islam, sa confiance dans la doctrine
et la morale islamique. Parfois, il se disait que l'islam, dans le Coran
et les livres de soufis, était admirable mais bien décevant dans le
vécu des musulmans. Inversement, il connaissait des Maghrébins et des
Africains noirs merveilleusement protégés des tentations de notre
civilisation européenne grâce à leur croyance islamique et à leur
fidélité aux pratiques religieuses de l'islam. Aussi, il surmonta toutes
ces difficultés et s'acharna à faire fonctionner, tant bien que mal, la
mosquée. Il faillit pourtant perdre courage et se demanda alors si Dieu
voulait vraiment de cette mosquée.
Contact avec le Tabligh
Au moment le plus critique, un groupe du
Tabligh , ayant
appris l'existence de la mosquée en cette ville, arriva chez lui.
C'était le 6 janvier 1975. Aussitôt une confiance mutuelle s'établit
entre ces frères et lui et quinze jours plus tard, il se rendit à la
mosquée de Clichy. Là, il fut profondément touché quand les frères lui
proposèrent de faire la prière avec eux. Cette prière dont il avait tout
seul appris la
Fatiha , et qu'il faisait parfois quand des musulmans de sa ville venait chez lui. Le
Tabligh
prit en main la mosquée et, depuis, le culte y fut régulièrement
assuré. En juillet 1975, l'Évêché vendait les locaux de la mosquée à
l'association "Foi et Pratique" du
Tabligh , avec de grandes facilités de paiement.
Voyage au Pakistan
Ce contact avec les frères du mouvement
Tabligh lui fit
connaître de nombreux musulmans authentiques, convaincus, dévoués à la
cause de l'islam et très pieux. Le 6 janvier 1976, il partit avec un
groupe du
Tabligh , sortant
fî sabîl Allah , quarante
jours au Pakistan. Voyage physiquement très éprouvant, mais, là encore,
procurant des contacts prolongés avec une communauté musulmane exigeante
et fervente. D'une manière générale, il fut particulièrement
impressionné par l'accueil de ces musulmans, en France comme au Pakistan
ainsi que par celui des étudiants islamiques de Clermont-Ferrand, bien
que tous le savaient prêtre catholique! Par trois fois, on lui demanda
de prendre la parole dans une mosquée. Il fut également troublé par la
discrétion de ces frères musulmans qui, jamais, ne firent pression sur
lui pour qu'il se convertisse à l'islam. Il apprit donc par sa propre
expérience, ce qu'il fallait penser de la prétendue intolérance et du
prétendu fanatisme des musulmans.
Pendant toutes ces années, par souci du respect de "l'autre" et afin
de pouvoir dialoguer, il approfondit ses connaissances de l'islam. Par
fraternité avec les croyants musulmans, depuis 1976 (et tout en
conservant sa foi chrétienne et les prières chrétiennes), il effectuait
régulièrement, même seul, les cinq prières musulmanes quotidiennes; il
s'abstint de porc et d'alcool et jeûna le mois de Ramadan. En même
temps, afin d'apporter des réponses très exactes aux musulmans qui le
questionnaient sur le christianisme, il reprit la consultation de ses
manuels de théologie. Il étudia de nouveau et entreprit une lecture
approfondie de la Bible et des Évangiles ainsi que des livres d'exégèse.
C'est ainsi qu'il put vérifier que la morale proposée par Jésus et
celle du Coran ou des
hadiths (formulée différemment), était
identique en son fond. Quant à la dogmatique au sujet du Dieu unique, de
la Création et de la destinée humaine, il enregistrait entre les deux
messages de nombreux points de convergence.
Nature de Jésus
La plus grande difficulté résidait en la personne de Jésus et sa
mission. C'était la pierre d'achoppement! Fallait-il dire, comme
certains, que Muhammad avait fait reculer la croyance au stade qui avait
précédé les Évangiles ? ou bien, comme d'autres le prétendaient, que
Muhammad avait purifié la personne de Jésus de tout ce que l'Église et
les chrétiens avaient surajouté à sa nature réelle? Il y avait également
ces questions : Dieu UN ou Dieu Trinité? quel était le fondement du
dogme de la Trinité dans les Évangiles et dans les dogmes de l'Église?
quelle était l'origine des sacrements ? pour aller à Dieu faut-il
obligatoirement passer par l'Église, ou, selon l'islam, sans
intermédiaire ? Dieu sauve-t-il de lui-même par sa grande miséricorde ou
par le sacrifice obligatoire de Jésus son fils ?
Pendant des années, il étudia toutes ces questions. Et il découvrit
les transformations que, dans les générations successives, les hommes
avaient fait subir à la Bible. Il s'assura que la doctrine de l'Église
n'avait que peu à peu accédé aux dogmes que l'on présentait comme
intangibles et immuables. Il s'interrogeait : dans les Évangiles
actuels, qu'est-ce qui est parole de Jésus, qu'est-ce qui est
interprétation des évangélistes, tous influencés par les écrits de Paul
de Tarse ? Le Jésus des Évangiles et le Jésus de Paul est-il bien le
même que le Jésus historique?
En étudiant les "hérésies", il discerna le côté humain de l'histoire
des dogmes ainsi que l'influence des empereurs romains puis byzantins
sur l'évolution des croyances chrétiennes, si différentes et
contradictoires en ces premiers siècles. Qui avait raison? Qui possédait
la vérité? Et ces divergences se prolongeaient à travers les siècles,
étouffées par une hiérarchie qui se proclamait infaillible, mais sans
preuves convaincantes. Certes, la doctrine chrétienne catholique, telle
que présentée dans les manuels d'enseignement destinés aux fidèles et à
ceux qui se préparent au sacerdoce, offre un tout logique et
satisfaisant pour le cœur et pour l'esprit. Elle peut susciter une
adhésion confiante, surtout quand elle est exposée, comme il y a
cinquante ans, dans des affirmations solennelles et péremptoires. Mais
sous des dehors solides, ces affirmations, soumises à une "fouille" et à
des comparaisons de plus en plus faciles aujourd'hui, apparaissent
comme des déductions et des accommodements par rapport aux textes
sacrés. Ces transformations ont durci ou exalté des notions que l'on dit
implicites dans les textes mais qui n'ont pas toujours revêtu la même
netteté ni la même signification au cours des siècles. De même, on a
formulé des règles de vie qui doivent beaucoup plus aux cogitations des
théologiens qu'aux textes de référence. C'est peu à peu que dogmes et
disciplines chrétiennes se sont formés et imposés pour donner cette
belle unanimité qu'exhibent les manuels. Mais que de courants divers et
différents dans les premiers siècles de l'Église! Il a toujours été
facile au parti dominant, souvent soutenu par la puissance temporelle
des rois et empereurs d'étouffer certains points de vue, certaines
opinions en les déclarant "hérétiques", voire en supprimant ces
hérétiques.
Aujourd'hui, on assiste à une évolution. L'Église officielle proclame
majestueusement la continuité du dogme, mais une certaine liberté
d'expression étant tolérée, on voit des savants spécialistes battre en
brèche des idées et des affirmations jusque-là déclarées absolues. Du
reste, dans la vie quotidienne de la communauté ecclésiale, tout comme
dans la pratique des chrétiens, se manifeste des abandons, des remises
en cause, un malaise que l'Église officielle ne peut plus ni dominer ni
voiler.
Le christianisme a beaucoup apporté au monde mais il n'est pas le
seul à avoir façonné la conscience universelle. À côté de données
fondamentales qui se retrouvent dans les grandes religions monothéistes,
à côté du message de Jésus transmis à travers les Évangiles, que de
croyances ajoutées, de rites imposés sans sérieuses bases scripturaires
ni théologiques! Jésus s'est présenté lui-même comme le "serviteur" de
Dieu, d'après les Évangiles : il n'a jamais demandé qu'on l'adore comme
un Dieu.
Expansion de l'Église et de l'Islam
On a souvent mis en avant, pour établir l'origine divine de l'Église
la rapidité de son développement et sa pérennité à travers les siècles. À
la réflexion, on peut reconnaître deux causes humaines à ce
développement : l'usage du latin et du grec, les deux langues utilisées
dans l'empire romain, a facilité l'expansion du christianisme qui n'a
pas eu à affronter le handicap de multiples langues, et surtout, à
partir de l'empereur Constantin (312-337), le christianisme étant
proclamé "religion d'État", il était naturel que les peuples soumis à
Rome et ayant pris l'habitude de rendre un culte officiel et imposé au
"divin César", se montrent prêts à accepter le nouveau Dieu proposé
certes par l'Église chrétienne mais également par l'empereur romain
maître du monde
2 .
Examinons l'expansion de l'islam. Un homme, le Prophète Muhammad,
appelle à une croyance et à une pratique rigoureuse; il n'est suivi, au
début, que par une poignée d'hommes de modeste origine, et se trouve en
but aux vexations des puissants. Proposant une croyance et une morale,
il est obligé de fonder un État et de le défendre. De son vivant, la
révélation est confiée à quelques apôtres mais également apprise par
cœur par de nombreux adeptes, puis consignée par écrit : le "Coran"
répand, à son tour, le message à de nombreux peuples malgré la diversité
des langues. Un siècle après la mort du Prophète, l'Islam forme un
empire religieux qui, de Médine, s'étend dans toutes les directions
jusqu'en Europe. Et cet empire religieux persiste, sans chef, sans
hiérarchie, malgré les dissensions internes (plus personnelles ou
politiques que théologiques). Il résiste aux Croisades lancées contre
lui par la chrétienté. Il résiste à l'oppression sournoise de la
colonisation. L'activité des missionnaires chrétiens ne peut l'entamer.
On le voit aujourd'hui s'étendre et multiplier ses adeptes dans le monde
entier. Si Dieu n'était pas avec lui, l'islam aurait-il pu naître,
progresser, résister à toutes ces forces déchaînées?
Conversion
Et cet islam reste ce qu'il était du vivant du Prophète : dogme et
culte inchangés, tous deux sans déviation, ni compromissions avec les
puissances humaines ou politiques, avec les civilisations rencontrées;
accepté et suivi (au prix même de persécutions - car l'islam a aussi ses
martyrs) par des peuples si divers, des hommes de conditions, classes,
cultures variées, voire opposées et cela depuis treize siècles. Ces
considérations, mesurées, réfléchies, l'ont peu à peu conduit à se poser
la question fondamentale. Il lui a fallu des années pour parcourir cet
itinéraire spirituel, avec sérieux, calme et patience. Certes, cela n'a
pas été sans perplexité, ni arrachements, ni brisures. Mais, en
conscience, il a reconnu l'appel de Dieu.
Christianisme, islam, il les avait pratiqués et servis de toute son âme.
Mais le temps était venu où il se devait de choisir. Silencieusement,
il se détermina et secrètement il adhéra à l'islam. Pendant près de
cinq années, prisonnier de sa famille, de son milieu et des
circonstances, il dut vivre cette conversion dans le secret. Maintenant
que les circonstances le laissent plus libre, il attend le moment
propice - qui ne saurait tarder - pour avertir de sa décision ses chefs
spirituels chrétiens et faire la démarche officielle de son entrée en
islam par la profession de foi devant témoins. Quelles seront pour lui
les conséquences? les réactions de son entourage?
Abdelmagid Jean-Marie DUCHEMIN